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Mademoiselle Dusk
1 juin 2012

Peau Aime

 


Il fût un temps où j’avais beaucoup d’admirateurs.


 

Les  hommes fantasmaient beaucoup sur moi. Je ne tentatis pas de les dissuader, mais je ne les incitais pas non plus, j’en avais pris mon parti (beaucoup plus tard j’ai compris qu’avoir mis mon cul en libre accès avait probablement favorisé ce phénomène, et qu’il ne fallait pas confondre vénération et vénérologie).

Je travaillais en ce temps là à La Défense. J’y travaille toujours . (Je tiens d'ailleurs à y mourir et à y être enterrée).

Je recevais en moyenne un bouquet de fleurs par semaine. Cela allait du bouquet standard acheté à Franprix au bouquet de roses raffinées d’un grand fleuriste parisien. Il y avait toujours une petite carte dans le bouquet.

 « Je vous ai vue ce matin sur le quai du RER, vous portiez votre sac à ordinateur, vous étiez si émouvante , quelque chose me dit que nous devrions nous parler, faire l’amour faire l’amour nous nous rencontrerons »

« Votre sillon naso-génien va si bien avec vos lobes c’est exquis »

«  Vous êtes si bonne c’est si rare »

 En général ma collègue Caroline me faisait un clin d’œil discret et un peu moqueur. « Alors ce matin c’était ambiance poésie ou lascar?  :  J’te kif ma quiche ?  ou  j’aime ta couenne ?  ». Caroline n’avait pas un physique facile, j’en déduisais que son ironie venait d’une douleur rentrée. J’avais observé que les gens qui faisaient de l’humour étaient souvent des écorchés vifs, or Caroline souffrait d’une dermite séborrhéïque qui la faisait effectivement ressembler à un écorché de cours d’anatomie. Elle n’était pourtant pas très drôle, comme toi toute loi a ses exceptions.

 Je répondais en général « Mais non tu sais bien que tout cela n’est qu’enfantillage ! Ces hommes savent bien que je suis totalement inaccessible». C’était totalement faux, car à l’époque j’étais en open-bar, même au-delà de l’happy hour. Mais je veillais à préserver ses sentiments, car on m’avait dit qu’elle vivait avec une perruche pour toute compagnie et chacun sait que la conversation d’une perruche est limitée, même sur Skype.

 Elle faisait aussi des remarques sur le fait que je me parfume au « Rahat loukoum » de chez Serge Lutens avant de partir déjeuner, et que mes cheveux soient humides à mon retour. Je lui expliquais que j’étais très assidue au gymnase club, malheureusement ma silhouette de motte de saindoux et mes séances de pointages de facturettes carte bleue dans divers hôtels 2 étoiles de Puteaux me trahissaient.

 Ce matin-là, un nouveau bouquet fût délivré à l’accueil, qui portait une inscription assez proche de ses prévisions « Pour toi Frédérique, un de ces poèmes que ta peau aime – signé Kevino »

 Je précise à toutes fins utiles que je n’avais jamais eu de relations intimes avec un quelconque Kevino. Il s’agissait à l’évidence du stagiaire en informatique qui devait occuper son temps à fantasmer sur moi, pendant un des fréquents reboots du data center. La totalité de l’infrastructure informatique du groupe était désormais gérée en inde, et lors des pannes fréquentes, Kevino avait pour seule instruction de tout rebooter. « Reboot and if not work revert to me the same – best regards, Satish ». Comme chaque reboot prenait en moyenne deux jours, cela lui laissait du temps pour laisser son esprit divaguer sur les femmes mûres de la tour.

 Je tendis la carte du jour à Caroline « Regarde, ça ressemble à ce que tu avais imaginé l’autre jour, une rime en aime »

 Subitement, les yeux de Caroline s’injectèrent de sang « J’avais dit j’aime ta couenne, c’est une rime en N, pas en M, N comme la haine, tu te prends pour une reine avec tes poèmes alors que t’es qu’une naine. Et en plus t’es une manager de merde tu me fais faire tous les trucs ingrats»

Alors que l'utilisation du mot ingrat déclenchait en moi une réflexion sur l’instabilité psychique des personnes au physique susnommé, Caroline m’agrapha les deux narines ensemble. « Tiens, fini les bouquets, tu ne pourras plus jamais profiter de leur fumet ». Comme je n’avais plus de narine mais encore une bouche, je me permis de répondre « On ne dit pas fumet pour un bouquet on dit parfum ».

 Caroline se précipitait pour me perforer la bouche avec la trouyauteuse lorsque Kevino entra dans la pièce : « Alors les meufs vous n’avez pas aimé mon poème de ce matin ? » « J’ai hésité entre Ces poèmes que ta peau aime  et  J’aimerais te claquer la couenne pour faire passer ma haine ». Mais je vois que ça ne vous a pas plu ? Frédérique pourquoi t’as les deux narines agrafées ? C’est le stage anti-tabac de l’infirmerie ?

Caroline se précipita à l’étage de la DRH pour faire une crise de nerfs devant son bureau. Lorsqu’en transe elle se mit à tourner sur elle-même jusqu’à faire fumer la moquette neuve, la scène me fit penser furieusement à ACDC au Stade de France. Heureusement elle était en intérim et on pût immédiatement se débarasser d’elle, tandis que je me drapais dans ma dignité de CDI diplômée. L’agence d’intérim m’envoya d’ailleurs un bouquet avec ses plus plates excuses « Mme Bredouille, par cette bafouille nous nous excusons de vous avoir envoyé cette nouille ».

 Moralité : C'est le bouquet.

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Commentaires
M
@Daftkompakt : ton commentaire n'est pas tres clair. Peux tu preciser ta pensee ?
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B
Hé mademoiselle, <br /> <br /> Rien à voir : me rappelle plus du nom du groupe de funk français super bien qui avait un patronyme exotique en guise de blaze. Je sais que tu sais. Dis moi vite.
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D
Offense à Gallois, honneur à Adopte...<br /> <br /> Je vous propose deux solutions : vous inversez, ou virez l'un des deux (au cas où, j'ai quelques suggestions à vous faire !).
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V
comme quoi. :-)
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K
J'ai trouvé ce poème très beau
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Mademoiselle Dusk
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